Un samedi il y a trois semaines, une fête du vin de village, rendez-vous à 18h chez J. avec quelques copains pour prendre l'apéro et manger une pizza.

18h15 : On est sur le balcon, on discute tranquillement en sirotant pastis et bières

19h00 : On est pas plus malins qu'à 18h00, mais on a bu quelques bières de plus

19h30 : On mange une pizza jambon fromage géante (pJ a mis son veto sur la pizza thon-oignons parce qu'il a rendez-vous avec une nana).

20h30 : J décide que c'est l'heure de la première tournée de tequilas. Je décline l'offre, c'est trop tôt (je suis raisonnable hein ?).

21h00: Une collègue américaine de J arrive. On se demandait si ce serait plutôt la version californienne-siliconée ou la version 95kg-patriote-oklahoma-messe-le-dimanche. Perdu : elle vient de New-York, et elle a un physique d'asiatique toute menue. J en est à la troisième tournée de tequilas. La collègue a l'air inquiète.

21h30 : pJ qui est à moitié Anglais et moi qui me débrouille pas trop mal faisons la conversation à la collègue de J, T à qui elle a visiblement tapé dans l'oeil essaie aussi, mais son anglais n'est pas terrible. On réussit à la convaincre d'essayer le pastis, que c'est différent de la bleue, et que la sambucca c'est meilleur quand on l'allume dans la bouche (mais on a dû payer de nos augustes personnes) (oui, augustes comme le clown).

22h00 : On embarque dans le tram pour Boudry. Il est bondé de jeunes avec des bouteilles de vin et d'alcool fort à la main (non, c'est pas une soirée croix-bleue). T en profite pour serrer l'américaine tout près. Avec les autres on parie sur ces chances (évidemment on n'arrive pas à faire de mises parce qu'on parie tous sur un râteau)

22h30 : On est à la fête, en train d'écouter le concert de potes de potes. C'est pas mal.

23h00 : Le concert est fini, on retrouve potes et potesses près d'un stand. On nous engueule parce que le rdv était à 21h (ah bon ?)

23h20 : On a tous gagné le pari : T. s'est pris un râteau. Tournée et ricanements généraux. T. siffle son verre et vexé, se casse.

23h45 : V et F, deux copines jolies se roulent des pelles en suçotant un caramel; j'ai des pensées lubriques.

00h00 : R. est bourré : V et F lui on proposé un caramel et tout ce qu'il a trouvé à dire c'est "Nan, j'aime pas les caramels". Il s'arrachera les cheveux quand on lui racontera ça demain. J est saoul, ça draguouille tous azimuts, ... Je m'aperçois que la petite collègue est un peu isolée dans son coin, je vais lui parler.

00h15 : *tilt* elle me plaît :-))

00h45 : *tilt* je lui plais :-)))))))))))
C'est le moment que je préfère, on sait ce qui va se passer, on fait semblant que non, on joue,... j'ai des pensées lubriques

00h59 : Une petite voix essaie se manifeste au fond de mon cerveau (Gemini Cricket ? Appelons-la comme ça), "tu n'assumeras pas demain, laisse-tomber, va rejoindre les autres"

00h59 + 1s : Trop tard, mon cerveau ne répond plus de rien, et je ne dirais pas ce qui a pris le contrôle parce que tout le monde le sait.

01h00 : Je l'embrasse (pas Gemini Cricket, la collègue).

1h30 : On a manifestement perdu les autres, c'est pas grave elle me propose de rentrer par le tram de 2h parce qu'elle est "a litlle bit tired". Y'a de la proposition indécente dans l'air. Gemini marmonne un truc où il parle de demain, ou je ne sais plus trop quoi.

2h30 : Elle me ramène chez moi, et se laisse convaincre de monter. Le fantôme de Gemini marmonne encore un truc où il parle d'être clair. Il me semble que la situation est claire non ?

2h45 : On est sur le pas de ma porte, Y. me téléphone "T'as pas vu J. ? Il m'a essémessé qu'il était tombé dans un ravin, blablabla hips blablabla hips blablabla". Non. J'éteins le téléphone

...

11h00 : Je suis fatigué d'avoir trop joué au monopoly, j'ai une légère gueule de bois, et j'ai mal dormi. Cette femme est un vrai radiateur, et elle n'arrête pas de se coller à moi. Dans le fond, je sais que ça n'est pas ça qui me dérange, mais quoi ?

11h05 : J'étouffe, j'ai envie d'être seul, de me faire un petit déjeuner tranquille avec de la tresse et du nutella, en regardant une émission débile du genre turbo ou télé-foot tel le dernier des beaufs.

11h06 : Ce salopard de Gemini est en pleine forme. "Alors, hein ? Tu penses avoir été assez clair hier ? Hein ? Hein ? On fait moins le malin ? Tu veux peut-être rester avec ? C'est le début d'un grand amour ? Hinhinhinhin".
Bien sûr que non. Elle est jolie et sympa, mais elle n'est pas très marrante, ... Et puis surtout j'ai peur qu'elle s'accroche à moi parce qu'elle ne connaît pas grand monde à Neuch. Je suis un infâme.

11h07 : Je suis stressé, je me lève et file vers la douche. Quelque part au fond quelque chose ne tourne pas rond.

11h25 : Je suis propre, je suis descendu acheter une tresse au beurre, l'eau pour le café chauffe. Je la réveille. J'évite les calins.

11h35 : Elle prend un café avec moi. On échange des banalités. Je m'en fous, je suis stressé, j'ai envie d'être seul. Gemini ricane.

11h45 : Ouf ! Gemini peut aller se faire foutre. Y'a pas de malaise, tout était clair depuis le début, c'était pour le fun, on a passé une super nuit, on se rappelle à l'occasion. Bisou et tschüss.

11h45 : Je suis enfin seul, et Gemini boude "C'est parce que t'es un mauvais coup". Peut-être, et après ? Trop soulagé pour faire la gueule. J'allume la télé, y'a turbo avec une voiture dont le moteur a 16 cylindres et 1000 cheveaux. Objectif atteint : je suis le dernier des beaufs. Grosses bagnoles et petites lâchetés, il doit y avoir des valeurs qui rassurent.

...

23h15 : Je suis de nouveau à la fête, avec les mêmes potes. Regards entendus et tapes sur l'épaule des copains, sourires en coin des copines, V et F se roulent des pelles en suçotant un caramel, j'ai des pensées lubriques... Je suis bien : tout est normal.

Oui mais.
Pourquoi ce stress ? Pourquoi la magie s'envole-t-elle le lendemain ? Un plan cul, ça n'a rien ni d'extraordinaire, ni de dramatique (au fond c'est même franchement sympa), alors pourquoi ce réflexe de fuite ?