Mardi dernier, je rends le boulot qu'on m'avait demandé pour la fin de la semaine. Pour la suite, je dois attendre des nouvelles d'un client qui n'en donnera pas avant lundi, et je peux de nouveau me considérer en vacances jusqu'à vendredi soir et le souper de noël de la boîte. J'en profite pour faire un saut express à Paris.

J'ai pas mal de famille par là-bas, mais en presque 2 ans, je n'y ai mis les pieds qu'une seule fois : cet été pour le mariage d'une cousine (oui, c'est bien moi le fils indigne de la famille). Je téléphone donc à ma grand-mère pour lui dire que je serai là le lendemain, et je vais acheter un billet de train. J'en profite aussi pour passer un coup de fil à une (ex-)copine qui habite maintenant Paris, et on aura le temps de se voir jeudi soir. Cool !

Première nouvelle : les TGV sont devenus complètement non-fumeurs. Personnellement je m'en fous, parce que je n'ai jamais aimé les wagons fumeurs et leur odeur dégueulasse, et en plus le train fait 3 arrêts entre Neuch et Paris, et c'est largement suffisant pour que je puisse satisfaire ma dépendance au tabac.

Deuxième nouvelle : les gares françaises sont devenues non-fumeurs elles aussi. En fait c'est pas vraiment ça la nouvelle, parce que la loi est passée il y a longtemps (j'étais encore au lycée à l'époque), mais plutôt le fait que les gens semblent la respecter (d'ailleurs au lycée, on avait dit "ah bon ?" et on avait continué de fumer à peu près partout, élèves comme profs). Ou alors est-ce une particularité du mercredi midi ?

Troisième nouvelle : les tickets de métro sont devenus roses.

Quatrième nouvelle : le prix du billet de train entre Paris et la banlieue de ma grand-mère a encore augmenté.

Et là, c'est la fin des nouvelles, parce que le reste n'a pas changé. La rues sentent toujours à peu près autant les gaz d'échappement, il y a toujours à peu près autant de crottes sur les trottoirs, les gens sont toujours aussi pressées, et les sièges du métro sont toujours aussi étroits.

Enfin, je retrouve ma grand mère, petite et ronde, avec ses grands yeux bleu porcelaine pleins de sourires et de tendresse. Je me rends compte qu'elle m'a vraiment manqué. On discute tout l'après-midi, on joue aux cartes, à quatre heures et demi elle sort de nulle part des crêpes qu'elle avait préparé pour moi, comme quand j'étais gosse, et une bouteille de cidre. Puis après elle prend son éternel verre de cointreau, parce que ça réchauffe la voix, ça conserve les vieux, et que ça tue les microbes. Le soir, deux de mes tantes, un oncle, et ma plus jeune cousine passent souper avec nous, puis on organise une belotte avec ceux qui restent un peu. Je ne bois pas de l'éternel lait chaud au miel, mais me couche dans ce très vieux lit dont les ressorts survivants font encore*chboïng chboïng criiiiiik* 15 mn après qu'on se soit couché dedans. Gros Mongol (enfin c'est moi qui l'appelle comme ça), le vieux matou obèse qui n'aime rien ni personne à part elle, moi, et les olives vertes vient ronroner sur la couverture, je m'endors comme un enfant. Le lendemain, ma grand-mère s'est levée comme d'habitude aux aurores "...parce que vois-tu mon petit, les vieux sont idiots, ils se lèvent tôt pour s'ennuyer plus longtemps..." et je me retrouve avec un café au lait fumant et des tartines de pain grillé. Ca me fait rire, ça me met de bonne humeur. J'en oublie presque de regarder où je mets les pieds quand je vais lui faire ses courses un peu après. La journée passe doucement, entre histoires de grand-mère et souvenirs d'enfance. Je l'emmène manger dans un petit restaurant où "Ils font bien le foie de veau, mmmmh", son plat préféré. En fin d'après midi, le reste de la famille que je n'ai pas encore vu et avec qui je ne suis pas trop fâché (un tante, une cousine et 2 cousins) débarque dans le petit appartement de ma grand-mère. On se redonne les nouvelles que l'on connaît déjà, on s'embrasse pour la forme. Puis je pars retrouver J. à Paris.

On se retrouve dans un bistrot vers le canal Saint-Martin. Ca fait aussi un long moment qu'on ne s'est pas vus, alors on a tellement de choses à se raconter qu'on en oublie la moitié. Ce n'est pas grave, ce qui compte c'est la douceur du moment, de l'endroit, de l'alcool, de ses yeux caramels, de son sourire, ... On rechute un peu.

Le lendemain matin, je me lève très tôt. J dort encore, elle a son demi-sourire de petite fille capricieuse sur les lèvres. Je lui laisse un petit mot sur l'oreiller, lui remonte la couette, lui dépose un baiser sur la joue, et part sans faire de bruit attraper le premier métro. Peine perdue, quand j'arrive dans la banlieue de ma grand-mère elle est déjà debout depuis belle lurette "Et oui mon p'tit père ! Les vieux ça se lève aussi très tôt pour pouvoir enquiquiner leurs petits enfants. Hahaha ! ... elle était jolie au moins ? " Et après, j'ai de nouveau droit au traditionnel bol de café au lait et autres tartines de miel. La matinée passe vite et après je dois faire mon sac et aller à la gare de Lyon prendre mon train de retour. Ma grand-mère proteste, me dit que la prochaine fois j'ai intérêt à rester plus longtemps parce que là, c'est du foutage de gueule. Et ça a pas intérêt à être dans 2 ans, non mais. Je promets, l'embrasse et pars.

Le voyage de retour est un peu pénible. Je suis assis à côté d'un alcolique qui pue la vinasse, ronfle très fort en cuvant, et crie "TA GWEULE !!! " aux haut-parleurs quand il y a une annonce. Puis je dois attendre 45 mn un changement de train à Lausanne. Puis il a le souper de noël de la boîte. Je suis crevé, un peu amorphe. Les autres sont chauds bouillants, partis pour une soirée de folie, moi, je les suis mollement, j'ai la tête ailleurs. Je me demande pourquoi je ne vais pas plus souvent à Paris... peut-être que je suis vraiment le fils indigne de la famille après tout ?