Ces deux dernières années et demi, j'ai joui du bonheur de plonger dans le côté obscur de la force. Enfin quand je dis côté obscur, je n'ai jamais porté de cape noire ou de casque ridicule hein, disons simplement que mon style de vie s'est d'avantage rapproché de celui d'un sybarite que de celui d'un séminariste.

Je suis sorti plus que de raison, j'ai aussi fumé et bu plus que de raison. J'ai aussi connu un certain nombre de demoiselles dont quelques unes étaient même à la fois jolies et intelligentes (effet statistique ou effets désatreux de l'alcool chez les femmes belles et intelligentes ?). Le travail que j'avais durant cette période convenait bien à cette vie dissolue : une charge de travail totalement irrégulière, des horaires libres, et même la possibilité de travailler depuis chez moi... d'ailleurs ne l'avais-je pas trouvé lors d'une fête du vin ? Le résultat était presque logique : ou bien on faisait des journées de malades et il me fallait ouvrir la soupape de sécurité quand je sortais, ou bien il n'y avait pas grand chose à faire et j'avais tout le temps de récupérer de mes excès de la nuit au travail. Le manque de sommeil était compensé par des clopes et des expressos, la tension nerveuse était compensée à coups de cigarettes (à croire que la cigarette est le couteau suisse de l'homme moderne), de boissons alcoolisées, voire à coups de b**e si l'occasion s'en présentait.

Et puis un jour, le sort s'en est mêlé : on m'a proposé un autre travail. Un job intéressant en plus, dans une boîte prestigieuse, avec un bon salaire bien régulier, un cadre professionnel quasi idéal... comment pouvais-je refuser ? Et c'est là que tout a commencé à basculer.

D'abord des horaires stricts combinés à une bonne heure de trajet aller et retour. J'ai du mettre un bémol aux sorties en semaine. Et puis pour compenser j'ai recommencé à courrir. Malheur ! J'ai des collègues ultra-sportifs, qui m'ont incité à aller courrir avec eux sur des sentiers ou on est essoufflé rien qu'en marchant tellement ça monte. Du coup j'ai arrêté de fumer (et aussi parce que j'ai bêtement déclarer un jour que j'arrêtrerais de fumer à 30 ans). Et puis un matin, m'apercevant dans la glace du mirroir de la salle de bains que mes cheveux se faisent de plus en plus rares et de plus en plus gris, je me suis dit qu'il serait temps de commencer à mettre des sous de côté pour ma retraite. Et enfin, reniant mes principes les plus fondamentaux, j'ai même fini par rester avec une fille (mais oui, une jolie et intelligente). Bref, encore 2 gosses, un labrador jaune et une maison mitoyenne et j'aurais tout à fait rejoint le côté ultra-bright de la force. Et tout cela naturellement c'est bien, c'est raisonnable, ça fait plaisir à ma mère, et gnagnagna.

Et pourtant...

Je regrette ces réveils où il me fallait 5 bonnes minutes pour m'apercevoir que je n'étais pas dans mon lit, que j'avais oublié le prénom de la demoiselle à côté de moi, mais que, oh misère, je me souvenais quand même qu'elle n'était ni jolie ni intelligente, que j'avais mal aux cheveux, je toussais comme un tuberculeux. Je regrette aussi ces apéros du mardi qui dégéneraient avec une régularité qui faisait honneur à ce canton horloger dans lequel j'habite, ces rencontres surréalistes, ces discours pathétiques d'hommes îvres, ... Et surtout ce sentiment que peu importait que la vie soit belle, douce, pleine de ces signes extérieurs qu'on appelle succès,... pour la simple et bonne raison que je me marrais bien.

Bref, le côté ultra-bright de la force est certainement une bonne chose, mais bordel, le côté obscur était quand même vachement plus rock & roll.