Dans ce blog, j'ai quelquefois parlé de mes vendredis soirs furieux, au bistrot avec les copains. Je me rends compte que je n'ai presque jamais parlé d'eux (c'est un peu normal, c'est mon blog), alors voilà, portrait général :

Il y a tout d'abord B., un grand échalas perpétuellement hilare. Mathématicien de son état, il s'est un jour rendu compte qu'il était sur le point d'enter dans une espèce de secte : plus il faisait des choses compliquées, moins il y avait de personnes capables de comprendre ce qu'il faisait. Arrivé au terme de son cursus, il deviendrait une espèce de gourou-prof-de-maths entouré de disciples-assistants, et qu'il ne pourrait discuter pleinement de ses réflexions passionnantes qu'avec quelques rares gourous-collègues parce que le reste du monde ne comprendrait strictement rien à son art, et qu'hormis quelques illuminés, personne ne profiterait du fruit de son travail. Il a donc laissé tomber l'idée de la thèse, a fait une école de pédagogie et est devenu prof de maths dans un collège, ce qui lui laisse le temps de prendre des vacances, de boire des verres avec nous, et de s'entraîner dur pour pouvoir un jour enfin réussir à me battre au golen.

Ensuite, F., un ex-collègue. Pour l'embêter, on dit qu'il est le résultat d'un croisement entre Dumbo et le prince Charles. Un peu gauche et timide, certains ont tendance à le prendre pour un couillon, ce qu'il n'est clairement pas. Il faut juste écouter ce qu'il dit jusqu'au bout. Pour le reste, il est doté de qualités rares et intéressantes : son nez imposant a la curieuse propriété de virer au rouge vif quand il est bourré, c'est un guitariste chevronné, leader (par défaut) d'un groupe de quequette-métal, et c'est un surdoué des sports de raquette. C'est très frustrant pour moi de me faire systématiquement battre au squash par un type aussi maigrichon, mais c'est comme ça.

Puis S., le grand costaud par excellence, 1m95 et 100 kilos de muscles. Il ne joue pas très bien, mais c'est de loin celui qui tire le plus fort au golen. Ses balles ont tendance à ricocher partout et finissent parfois par rentrer dans le but adverse (quand il n'y a pas plus d'un rebond, c'est assez souvent une gamelle). Il faut le connaître un peu avant de se foutre de sa gueule parce qu'il a tempérament un tantinet ombrageux. Sinon, il aime bien organiser des sorties en montagne et des week-ends désastre dans des chalets isolés.

Il y a aussi Nounours. Hormis la fourrure et les crocs, la ressemblance avec l'animal est frappante : un peu moins d'un mètre nonante pour un peu plus de 130 kilos (les balances ordinaires rendent l'âme), une expression débonnaire rivée sur un visage un peu poupin, et une élocution très douce. Il mange et boit à peu près autant que la bête, avoue une passion pour les cigares, le narguilé, et les whiskys écossais, et il ne se fâche jamais quand on le taquine. A le voir comme ça énorme, tranquille, et serviable, tous ceux qui l'ont vu un jour ont spontanément eu l'idée de le surnommer nounours. Et tous ceux qui le connaissent un peu l'aiment bien. Ceci dit, comme le dirait un certain comique : dans nounours, il y a ours. Nounours est menuisier, il passe de longues journées à manipuler des grosses planches très lourdes ou des madriers, et il est très fort (il n'y a qu'a l'observer pendant un déménagement, ou essayer de le battre au bras de fer pour s'en rendre compte). Par ailleurs, il pratique le vo-vietnam depuis 8 ans. Le seul type que j'ai vu un soir réussir à le pousser à bout s'est retrouvé avec la tête au fond de la cuvette des wc et un bras en compote en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

R., c'est la grosse tête de l'équipe. Docteur-ingénieur, fin, cultivé, politiquement engagé, c'est aussi un athlète remarquable. Il cache tout ça derrière une timidité colossale et un chuintement un peu grotesque (si tu lis ces mots, pardon R.). C'est aussi le champion toute catégories des coups de pute au golen (ça par contre, tu ne l'as pas volé), reprises, pissettes, tirs à contre temps, tout y passe.

On peut presque tout se permettre quand C. est là. Personne n'essayera de vous casser la gueule, car celui qu'on appelle aussi "le Bruce Lee du Vallon", ou "Petit-Hulk" veille. C'est un peu le garde du corps de l'équipe, d'ailleurs quand il est là, on entend souvent " ...m'en fous, y'a C.". Il essaye de camoufler son allure de lutteur moldave musclé jusqu'aux oreilles derrière une paire de fines lunettes, mais allez savoir pourquoi, ça ne marche que moyennement. C'est pourtant un type plutôt calme, cultivé, bien élevé, et tout et tout, mais ce n'est que rarement ce qu'on remarque en premier chez lui.

Si S est le grand costaud de l'équipe, J. c'est le plus petit. Il compense avec une gueule toujours grande ouverte et un humour décapant. Il travaille au sein d'une grande boîte de luxe italienne, ce qui fait qu'il est toujours de très loin le mieux habillé du bistrot. C'est mon partenaire de prédilection au golen car en plus d'être un défenseur imperméable et de savoir sortir les vannes qu'il faut au bon moment, il maîtrise l'art des tirs du gardien sur le bout des doigts.

Les jours où il travaille, G. vient lui aussi en costume car il est juriste. Cependant, avec son air de jovial éternel, il a un peu l'air d'un gosse de 6 ans qui aurait grandi d'un coup. Ce type est fondamentalement gentil et généreux, et il a un don pour remonter le moral de ses potes quand ça ne va pas. C'est d'ailleurs le seul homme au monde à pouvoir faire rire sa tornade de copine aux larmes rien qu'en la regardant. Même quand elle est en colère (c'est peut-être pour ça qu'ils sortent ensemble ?)

Y, c'est le rustre de service. Toujours sur le pont quand la conversation devient graveleuse, c'est aussi un inconditionnel de la guiness. Il est capable d'en boire 16 pintes en une soirée comme si de rien n'était, sans tituber et sans bafouiller. Il est entraîneur-joueur dans équipe de water-polo, ce qui explique peut être qu'il n'a pratiquement pas de bide malgré sa consommation vertigineuse de bière. Cet homme massif (1m80, 100 kg, et des avant-bras à la popeye) est mécanicien de précision et travaille dans l'horlogerie. Il m'est toujours difficile d'imaginer ce type monter les minuscules et délicats rouages des montres qui font la fierté de cette région, avec ses grosses paluches et ses bras de docker.

Enfin, il y a H., le beau gosse du lot. Sourire ultra-bright, épaules de nageur, beau parleur, il a pas mal de succès avec les nanas. Il en aurait même plus si il passait moins de temps devant sa playstation et derrière ses pétards, et surtout s'il arrêtait de faire le couillon avec la bande d'hurluberlus que nous sommes.

Voilà, c'est tout pour le moment. Dans l'ensemble, on n'est ni spécialement malins, ni spécialement beaux, et certainement pas spécialement sophistiqués. Certains se connaissent depuis l'enfance, moi je ne les ai rencontrés qu'en arrivant à Neuch. On est seulement souvent au même endroit, et grosso-modo sur la même longueur d'ondes.