Puisque j'ai désormais du temps libre, j'en ai profité pour passer quelques jours en France, chez mes parents. Ces dernières années, je n'y ai jamais passé plus d'un week-end, et encore, pas trop souvent parce que disons-le tout de suite : oui, je suis un fils indigne !

En fait, je n'aime pas aller là-bas : ce village est près de la frontière Suisse, c'est moche, hors de prix, et on s'y emmerde à mourrir. Il sert de banlieue à Genève, il y a 5 supermarchés pour que les suisses viennent y faire leur courses (la nourriture coûte cher là-bas), 3 ou 4 bicoques aussi vielles que quelconques, une dizaine restaurants pas terribles, des immeubles et des parkings, 4 ou 5 bistrots nuls, un lycée, un collège, et 2 écoles primaires... L'urbanisme doit à peu près correspondre à tout ce qu'il ne faut pas faire si on veut conserver un semblant d'harmonie dans une agglomération. Ajoutons à ça que les relations avec mes parents deviennent vite explosives, et finalement on comprendra pourquoi dès que j'ai pu en partir, j'ai tout fait pour y retourner le moins souvent possible. Je me suis donc contenté d'y faire des séjours express, toujours pendant un week-end. Entre les courses du samedi, le verre à Genève du samedi soir, le match de rugby du dimanche et les grasses mat, et bien il ne me restait plus beaucoup de temps pour faire grand chose d'autre.

Là, j'ai eu plus de temps, et je me suis promené dans le coin. Depuis 10 ans, plus précisément depuis juillet 1994, le jour où j'a eu mon bac, je ne m'étais plus balladé là bas. Ca m'a fait l'effet d'un voyage dans le temps, retour aux années lycée. Une invasion de souvenirs.

Les rues tranquilles où on se posait pour fumer nos cigarettes (les nouvelles vont vite dans un village), ce pré à côté du lycée où on cachait les pastèques et les bouteilles de mousseux pour se faire des apéros sympas à la pose de midi, les équipées sauvages en mob (oui, le lycée est le seul du coin, les élèves viennent de tous les villages alentours, y'a pas d'autres bus que les bus scolaires, et c'est une mort vraie sociale pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer), les fameuses soirées gessiennes organisées par les municipalités du coin pour les jeunes (en fait il n'y en a pas eu beaucoup : des abrutis avaient pris l'habitude de systématiquement vaporiser du gaz lacrymogène vers minuit, et il y avait un peu trop de bagarres), les fouilles à la douane à chaque fois qu'on revenait de Genève, la fois où les gendarmes m'ont ramené ivre mort à la maison parce que je roulais au milieu de la route (hips, mon phare ne marchait pas très bien alors j'ai décidé hic de suivre la ligne blanche...), les commérages (bon, alors samedi chez bidule je vais essayer de sortir avec unetelle, si ça marche pas, j'essaierai avec deuxtelle qui a des spots sur la face mais quand même gros nénés, toi y'a troistelle qui veux sortir avec toi si-si-fais-moi-confiance-c'est-quatretelle-qui-me-l'a-dit, par contre il ne reste cinqtelle pour machin, et son frère risque de lui casser les deux bras ... on fait comment là ?), etc...
Je me suis aussi rappelé le lycée. Dans l'ensemble, je sais que j'ai trouvé ça assez pourri quand j'y étais (à part la seconde), mais il semble que je n'aie conservé que les bons souvenirs. Je me suis souvenu des cours de physique, assis à côté de la jolie C. (dont j'étais évidemment fou amoureux, quand je n'étais pas amoureux de la jolie V., à moins que ce ne soit de la jolie P., ...) avec ce prof dont les expériences ne marchaient jamais (mais enfinnnn). Il y avait aussi les voyages scolaires, quelques soirées mémorables, les conflits généralement amicaux entre hardeux et rappeurs (ça m'a toujours fait rire un gars originaire de ce coin qui parle avec l'accent yo de Garges-les-Gonesses), le sport (j'en faisais beaucoup à l'époque), et ce jour si particulier des résultats du bac.

Je crois que je n'arriverais pas à restranscrire tout ce qui m'est passé par la tête ces derniers jours, mais ce qui m'a le plus frappé, c'est que tout cela c'était il y 10 ans (AAARRGHH ! Encore un souvenir à deux chiffres), et que je ne les ai pas vu passer. Et pourtant, Dieu sait que j'en ai profité un max... Peut-être que je commence à réaliser que moi aussi, je vais vieillir...